La petite fille était lovée dans un fauteuil de la salle commune. Un carnet de voyage appuyé sur les genoux qu'elle ramenait vers elle, une plume dans la main droite, Ophélie se chatouillait le bout du menton en cherchant l'inspiration. Par quelle phrase pourrait-elle commencer ? Une phrase des plus banales ? Non, ce serait déplacé... Les lecteurs s'attendaient à une phrase qui accroche et c'était cela même qui leur donnait envie de continuer à lire. Bon, évidemment, elle n'avait pas l'intention de laisser qui que ce soit le lire : elle aurait l'impression de se levrer complètement, de laisser une fenêtre ouverte vers son coeur, mais elle voulait faire tout comme. Cela lui permettra d'être d'autant plus dure envers elle-même et de faire un travail de qialité.
Une citation peut-être ? ou un épitaphe ? Une phrase sage d'un auteur réfléchi, voilà qui lui correspondrait à merveilles n'est-ce pas ? Assurément, cela serait plus simple que de trouver la phrase qui fait mouche soi-même et on a quand même un début...
Un petit sourire satisfait éclaira les lèvres de la Serdaigle qui fit parcourir sa plume d'aigle sur son visage, provoquant ainsi une agréable sensation de chatouillis. Elle secoua violemment la tête, provoquant l'effondrement de son chignon de boucles brunes. Amusée de sa réaction et de ce qu'elle avait fait, elle se rassit convenablement, déposant sa plume et son carnet sur la table qui était devant elle, et s'attaqua à sa coiffure, retirant une bonne dizaine d'épingles et un élastique. Coinçant soigneusement les épingles entre ses lèvres, et regardant calmement le feu crépiter dans la cheminée, elle enroula ses cheveux sur eux-même, laissant s'échapper quelques mèches, et les attacha. Récupérant une épingle, elle la fixa adroitement dans sa chevelure, puis une seconde, et une troisième...
Toute concentrée qu'elle était, elle trouvait néanmoins le temps de réfléchir à ses citations. Mais laquelle conviendrait ? Sur quoi voulait-elle écrire concrètement ? Ou sur qui ?
* Mais quelle bécasse !! Qu'est-ce que tu vas te casser la tête, arrête de réfléchir et laisse faire ton imagination ! *
Facile à dire... Mais il fallait bien la stimuler cette imagination. Et pour cela il fallait trouver un stimulant, cela allait de soi.
Achevant sa coiffure, Ophélie parcourut la pièce des yeux, à la recherche d'un élève qui pourrait lui donner des idées, et son regard s'arrêta sur un élève de petite taille aux oreilles de chou-fleur. La jeune fille rougit. Il est vrai que ce garçon était curieux, et bien qu'elle ait eu une conversation avec lui l'année passée, il restait entouré d'un certain mystère. Oui, assurément, Peter Barrie était le stimulant d'imagination idéal.
Ophélie reprit sa plume, ramena ses genoux vers elle et commença à écrire. Si les six premiers mots furent laborieux, la suite, en revanche, vint toute seule et rapidement, la plume parcourut la page à toute vitesse : un jeune captif, pas très grand mais au coeur d'or, prisonnier de son oncle, ne découvrant le monde qu'à travers les livres. Sa vie lui plaisait mais il rêvait de découvrir de nouveaux horizons et de les voir de ses propres yeux. Et un beau jour...
La jeune fille sursauta et referma son cahier d'un coup sec : quelqu'un venait de poser la main sur son épaule et qui que ce "quelqu'un" fut, il était hors de question qu'il sache ce qu'elle était en train d'écrire.